Beef lovers ?

Voilà quelques mois, des noms anglo-saxons sont venus, au rayon bœuf des boucheries de l’île, fleurir les étals. Flank steak*, flat iron*, T-bone*, chuck flap*…

Les découpes américaines très en vogue aujourd’hui.

Mais de quel droit se permettent-ils de bousculer nos habitudes franco-françaises de carnivores et de malmener ainsi la langue de Molière ? Adieu donc paleron, basses-côtes, bavette et autre onglet ? Que nenni, ce sont majoritairement les traductions littérales de ces derniers et des noms de découpes de viande spécifiques aux habitudes américaines… Comme le rock’n’roll est venu changer les habitudes musicales des Français dans les années 1960, une déferlante de découpe bovine outre-atlantique arrive en force dans les boucheries et steak houses de France, de Navarre et… de La Réunion.

Les découpes traditionnelles françaises

Aux États-Unis, environ 65 % de la viande de l’animal est valorisée en découpes, et pas toujours avec les meilleurs morceaux ; le reste étant destiné aux burgers, voilà aussi la raison de la qualité des burgers aux USA… En France, c’est 95 % de l’animal qui finit sur les étals des boucheries… tout est bon aussi dans le bœuf !

“À La Bonne Viande” de Saint-Leu, boucherie spécialisée dans l’importation de viandes sélectionnées pour leur qualité, est en train de faire sa « Steak (R) évolution » sur l’île pour reprendre le titre du très intéressant livre et film de Franck Ribière et Vérane Frédiani qui ont fait le tour de la planète à la recherche du meilleur steak du monde.

Un livre et un film intéressants pour les amateurs et les non amateurs de bonne viande.

Les morceaux de bœuf aux noms exotiques, c’est bien mais la sémantique n’est pas non plus gage de qualité. Si pour beaucoup, le terme Angus (une race à viande qu’on retrouve à présent un peu près partout dans le monde alors que l’originelle vient d’Écosse et se nomme précisément Aberdeen Angus) est toujours signe de qualité, il n’en est rien. L’Angus a cette capacité d’être un animal précoce, docile et sans cornes, qui transforme à merveille l’herbe en gras et qui possède d’excellentes facultés pour la maturation. Cela pourrait être La race à viande de la planète ! Je compare souvent l’angus à du vin de Bordeaux. Il existe du cabernet-sauvignon enfermé en bouteilles sans âme avec une viticulture et une vinification chargées de chimie, et puis, il y a des cabernet-sauvignon issus de nobles terroirs, avec une pratique de la vigne par exemple en biodynamie et des élevages précieux prodigués par des vignerons passionnés. Ce même cépage, le cabernet-sauvignon, donne donc des vins complètement différents en fonction de ses origines et de sa prise en charge, c’est pareil avec l’angus. Vous l’avez compris, la qualité de la viande dépend assurément de ses conditions d’élevage, de sa nourriture, des soins apportés à l’animal, de son âge, de sa maturation… tant de critères sur les origines de l’animal que vous êtes en droit de demander à votre boucher.

Miguel Vergara, un grand éleveur d’angus en Espagne.

Voilà ce qu’À La Bonne Viande s’évertue à réaliser : travailler en direct avec des exploitations de petites tailles originaires de métropole, d’Espagne, d’Irlande, d’Écosse, d’USA, d’Australie… pour proposer des viandes extraordinaires et rares à La Réunion, avec des découpes US ! Ces races à viande peuvent se nommer aubrac, salers, galloway, blonde de Galice, wagyu… et sont issues d’éleveurs particulièrement sensibles au bien-être de l’animal.

Les viandes d’exception s’expriment par leur couleur et leur gras.

La maturation d’une viande est également un sujet intéressant qui mériterait d’être débattu plus longuement, cela me fait penser à la teneur en cacao d’un chocolat ; on pense à tort que plus le pourcentage de cacao est élevé, meilleur sera le chocolat. Encore une fois, tout dépend des origines de cacao et de ses équilibres gustatifs. C’est pareil avec le bœuf, vingt jours est à mon goût la maturation idéale ; jamais moins de dix jours, et pas plus de quarante jours chez un boucher non spécialisé.

Astuces pour la cuisson de votre bœuf !

Mâche, tendreté, persillé… voilà quelques qualificatifs qu’on utilise à l’envi lors d’une dégustation d’une jolie viande de bœuf. Rien de plus frustrant que de louper la cuisson d’une viande de qualité qu’on aura payée cher. Avisez-vous de demander les conseils de votre boucher. Mais quelques règles de base s’imposent : très important, sortez votre viande de votre réfrigérateur au moins une heure avant sa cuisson. La cuisson, chacun peut l’aimer ou la mener différemment : à la poêle avec du beurre clarifié et une finition au beurre cru ; avec également un mélange huile/beurre, en direct sur le gril ou à la plancha avec un assaisonnement au préalable, au four à basse température, longtemps mais doucement, et puis le temps de repos…

La réaction de maillard est essentielle pour que le goût se développe

Cela peut paraître fastidieux de bien cuire sa viande mais c’est très important si on ne veut pas passer à côté de celle-ci. Osez la cuisson bleu voire saignante avec ces viandes d’exception ; n’ayez pas honte, pendant longtemps, dans le passé, je mangeais mes viandes à point jusqu’à une révélation sur une cuisson bleu saignant d’une viande d’exception mais c’est une question de goût, de maturité de palais, et tout vient à point (ou au bleu) à qui sait attendre… Et après quelques conseils et une master class comme celle que propose À La Bonne Viande de Saint-Leu, vous saurez apprécier à sa juste valeur une belle viande de bœuf et surtout, vous respecterez le produit, ce qui est, à mon sens, primordial.

*Flank steak = la bavette

*Flat iron = le paleron

*T-bone = le filet et le contre-filet

*Chuck flap = le collier, dessus de les basses-côtes (persillé de bœuf)