• Voyage (gourmand) en Corse

    Se rendre en Corse au mois de mars n’est pas la meilleure période pour se baigner ni pour séjourner car la météo est fraîche, voire neigeuse sur les hauteurs de l’île, et que les ¾ des établissements hôteliers et de restauration sont fermés, la reprise de la saison s’amorce à partir de Pâques et s’étale jusqu’en septembre/octobre.

    Venant de La Réunion, on ne vient pas en mars en Corse pour profiter des plages bien que certaines valent celles de l’île Maurice, la période est cependant idéale quand on veut prendre son temps et échanger avec les personnes rencontrées, vous trouverez toujours un endroit où dormir ! Et circuler sur les routes à cette période est un bonheur (à part Bastia et Ajaccio aux heures de sortie de bureau) !

    En Corse, il n’est pas rare au hasard d’une route de tomber sur des animaux : porcs, vaches, cabris… TK

    Quand vous dites que vous venez de La Réunion, il y a comme une solidarité insulaire qui se dégage chez les Corses avec lesquels vous échangez.

    Des routes aux paysages époustouflants ! TK

    Arrivée à l’aéroport d’Ajaccio, franc soleil, fond de l’air frais, avec une belle luminosité et un bleu brillant de la Méditerranée avec, sur les hauteurs, des sommets enneigés (on reste tout de même dans l’hémisphère nord et c’est la fin de l’hiver). Voiture de location récupérée direction le centre-ville d’Ajaccio pour un petit tour dans la cité de Napoléon (un musée lui est dédié) avant de prendre le chemin des sommets de l’île, dîtes-vous que dès que vous prenez les petites routes, la route de Cilaos est une autoroute ! 10 jours en Corse, quelque 1 200 kilomètres parcourus et une moyenne d’à peine moins de 40 kilomètres, cela vous permet d’évaluer les reliefs et l’exiguïté des routes. Mais partir à la découverte de ces magnifiques villages isolés avec ces variations minérales de sol vaut le voyage !

    Les paysages de l’Alta Roca. TK

    La première rencontre de ce voyage fut celle d’Élodie Balesi et de son oncle Félicien, qui sont perchés à Quenza, dans l’Alta Rocca, splendide route pour s’y rendre. Élodie et sa sœur Estelle ont repris la suite de l’institution hôtelière du village de leur tonton Félicien, le Sole e Monti (le soleil et la montagne). A 40 ans, Élodie est un sacré bout de femme, pêchue, courageuse, travailleuse avec une énergie et une volonté de fer à déplacer les Aiguilles du Bavella, magnifique site géologique qu’on aperçoit de Quenza et que les randonneurs du GR 20 garent en mémoire.

    Elodie Balesi qui nourrit ses cochons corses.TK

    Co-gérante du Sol e Monti, Élodie est aussi la cheffe du restaurant mais aussi productrice de porcs corses. L’accompagner le matin nourrir ses cochons sous la neige permet de se rendre compte de l’amour qu’elle porte à cette activité mais aussi la dureté des conditions du métier. Durant l’hiver, Élodie charcute une bonne partie de son temps pour préparer la saison : figatellu (saucisse de foie), rillettes, saucisses, saucisson…

    Une belle planche de charcuteries traditionnelles corses ! TK

    Un dîner au coin du feu alors que le vent soufflait fort dehors, avec des charcuteries en sa compagnie et celle de Félicien, a été une belle entrée en matière avec la Corse. S’en sont suivis un velouté de potiron, du veau (spécialité corse, notamment avec des olives) et un original flan à la châtaigne (autre produit star de la Corse).

    Autre belle rencontre, celle de Frédéric et Elisa Cappaccini du Domaine Cappa, situé à Albitreccia, à une trentaine de minutes d’Ajaccio.

    Dans la très belle et verdoyante vallée du Taravo, Frédéric élève comme son père, grand-père et arrière-grand-père le faisait des brebis bio Noire de Velay qu’il destine, aujourd’hui, à la restauration et prochainement à la conserverie. Dotés d’une superbe bâtisse du XIXe siècle aux pierres apparentes (ancienne laiterie destinée au roquefort), Frédéric et Elisa accueillent différents événements dans cet écrin de la nature, au calme, loin de tout. La passion et la défense du terroir du Taravo chevillées au corps, Frédéric réalise également de magnifiques confitures (sous les marques Domaine Cappa et Maison Cappaccini) qui valorisent et respectent le fruit comme rarement. Différentes variétés de figues, fraises, clémentines, abricots reine-claude, cerises, myrte, châtaignes sont transformées dans un vaste bâtiment moderne construit en 2019, à proximité du verger. Savoir-faire hérité de sa grand-mère, Frédéric cherche (et réussit) à mettre en pot la pureté du fruit en le cueillant à un degré de maturité précis afin de conserver toutes ses qualités gustatives. Un délice !

    Frédéric Cappaccini et ses confitures.TK

    Allez, encore une belle rencontre, celle du vigneron Antoine Arena à Patrimonio (Haute Corse) !

    Antoine Arena dans ses vignes. TK

    Je connaissais les vins de cet emblématique vigneron corse qui a contribué à faire connaître dans les années 1990 les vins corses sur le continent et ailleurs. Grâce en partie au visionnaire Antoine, Patrimonio est une appellation vivante qu’une jeune génération de vignerons engagés (dont les fils Antoine-Marie et Jean-Baptiste Arena) est en train de développer de belles manières. Antoine m’attendait devant le domaine avec son pick-up, qui avait déjà de la bouteille, pour m’emmener sur le terrain découvrir et me raconter l’histoire des différentes parcelles du domaine qu’il a transmis à ses deux fils. Des vieilles vignes de sciacarellu, niellucciu des générations précédentes au bianco gentile (le cépage blanc iconique du domaine, le fameux BG !), de Morta Maïo, Grotte di Sole, Hauts de Carco, qu’il a démaquisé à la toute nouvelle parcelle en devenir l’E-Cime.

    La belle visite dans cet amphithéâtre de vignes s’est poursuivie par une dégustation des vins du cadet Antoine-Marie en sa compagnie, où l’on a dégusté ses différentes cuvées à l’approche des mises en bouteilles, avec des élevages cuves, bois comme en amphores réalisées par le céramiste voisin et ami, Julien Truchon.

    Une nouvelle cuvée en devenir : E-Cime.TK

    On a ensuite franchi la route pour se rendre au domaine historique où Jean-Baptiste vinifie pour déguster les vins sur cuves et aussi quelques trésors d’Antoine qui vieillissent encore en fûts ! Des bonbons à l’état pur ! Et cette dégustation s’est terminée avec une excellente coppa de 36 mois et d’autres extras liquides ! Un régal !

    Les restaurants

    Comme déjà évoqué, la majorité des restaurants est fermée à cette période en Corse, cependant ceux qui restent ouverts à cette saison, surtout dans les écarts, sont des tables fréquentées par une clientèle locale, donc des adresses qui tiennent la route. En voici quelques-unes à travers toute la Corse :

    Le Relais à Sotta (à 25 minutes de Bonifaccio/Porto Vecchio)

    Une ambiance chaleureusement rustique. TK

    Véritable institution de la famille Pandolfi qui jongle entre la cuisine et les activités agricoles, notamment d’élevage bovin !

    Jacques-Antoine Pandolfi au service de l’affaire familiale. TK

    Au dîner, la vaste salle chaleureuse avec une immense rôtisserie et vue sur la cave souterraine où grands vins et charcuteries vieillissent, se remplit très vite.

    Vins et charcuteries se bonifient ! TK

    Jeunes et moins jeunes s’y retrouvent avec plaisir, on y croise des vignerons connus (Clos Canarelli) et des repas d’affaires. L’ardoise fait la part belle aux généreux plats traditionnels corses (beignets au fromage, sciacci (tarte pomme de terre fromage), figatellu, agneau de lait, veau…

    Beignets de fromage et sciacci de pomme de terre. TK
    Pâtes et agneau de lait corse. TK

    Le Relais

    Padullela

    20146 Sotta

    Tél. 04 95 20 80 21

    Chez Marie à Linguizetta (entre Bonifacio et Bastia)

    Gros coup de cœur pour cette table ! Vous ne miseriez pas un kopeck de l’extérieur sur cette adresse située sur l’axe routier principal qui relie le Sud et le Nord par la côte. Vous entrez dans une magnifique épicerie qui fait tabac avec un pan de murs tapissé de pâtes artisanales italiennes Setaro et de produits d’artisans locaux, et dans un second temps, vous pénétrez dans un restaurant lumineux aux couleurs pastel où il est agréable de s’y attabler. Les propriétaires, Pierre Orsini qui pratique un service doux et didactique, et Sergio, chef italien, ont construit un lieu délicieux où les plats ont des marqueurs italiens mais pas que, et avec une remarquable finesse d’exécution. Très bon sourcing de produits de saisons locaux et responsables, également du côté de la cave. Chez Marie, c’est beau, frais, léger, délicat et remarquable !

    Une adresse incontournable, quel que soit le bout de Corse visité, cette étape vaut le voyage !

    La partie bistrot/tabac. TK
    Une des salles du restaurant. TK

    Chez Marie

    Bravone, T10

    Tél. 04 95 38 81 85

    Le Sénèque

    C’est un tout petit restaurant situé dans la partie Est du Cap Corse, à Luri. Tenu par un couple dynamique et sympathique qui s’applique et s’implique au service comme en cuisine, Le Sénèque est une chaleureuse table, ode de la simplicité, avec un poêle à bois et quelques tables. L’accueil est chaleureux et la courte carte donne envie de goûter à tout. Huîtres de l’étang de Diana, beignets de fromages, carré de porc nustrale (pays), poissons, pâtes… Déclinaisons de fromages corses, à base de brebis, du plus doux au plus piquant. Le Sénèque est l’adresse hivernale de ce couple sérieux ; en saison, ils officient à une centaine de mètres de là à U Capezzu, sur le port, face à la mer, avec des plats davantage marins. Leur fritto misto du chalut vaut apparemment le détour ! Je reviendrai en Corse tester cette adresse !

    Le Sénèque

    13 Strada Di E

    20228 Luri

    Tél. 06 22 70 22 43

    L’Auberge du Col Saint-Georges (à 20 minutes d’Ajaccio)

    À proximité de l’unité d’embouteillage de l’eau minérale Saint-Georges, et sur le sommet du col Saint-Georges (700 m), l’auberge éponyme est une adresse familiale fréquentée par les locaux, qui la remplissent en nombre le week-end. Ambiance feu de cheminée où l’on grille viandes et figatellu, déco à l’ancienne, charme rustique et surtout assiettes très généreuses où l’on trouve entre autres plats traditionnels, du veau à l’olive, des cannelloni fourrés au brocciu et à la menthe ! L’auberge Prunelli à Bastellicacia est aussi une adresse authentique recommandable.

    L’Auberge du Col Saint-Georges

    San Giogiu Vecchiu, Grosseto-Prugna, 20128 Ornano

    Tél. 04 95 25 70 06

    Le Petit Restaurant (Ajaccio)

    Ce petit restaurant gastronomique de la vieille ville d’Ajaccio surprend par l’originalité de ses plats autour d’un menu imposé au dîner ou d’une carte blanche du chef, Vincent Boucher ! Une cuisine moderne où l’on joue sur les textures, avec des produits locaux sourcés notamment par le chef dans la nature alentour.

    Le Petit Restaurant

    3, rue Pozzi di Borgo

    20000 Ajaccio

    Tél. 04 20 01 88 81

    A Nepita (Ajaccio)

    Nepita est une herbe aromatique sauvage puissante aux parfums de menthe camphrée qu’on trouve à foison dans le maquis, c’est aussi cette bonne table d’Ajaccio tenue par un chef britannique, ancien étoilé, Simon Andrews, qui propose des assiettes goûteuses, lisibles aux assaisonnements marqués ! Les plats changent régulièrement voire au quotidien et sont souvent liés à la saisonnalité et à la pêche. Desserts gourmands. Service agréable et efficace

    A Nepita

    4, rue San Lazaro

    20000 Ajaccio

    Tél. 04 95 26 75 68

    https://www.anepita.fr/

    Le Mathy’s (Saint-Florent)

    Saint-Florent est le petit « Saint-Tropez » de la Corse, situé dans une magnifique baie, à proximité des Agriates (Haute Corse). L’hiver, les bateaux sont à quai, seules quelques tables sont ouvertes comme Le Mathys. Le chef, Thierry Burlot, qui a eu un beau parcours de cuisinier à Paris, propose une savoureuse cuisine avec des accents d’ailleurs où les produits du terroir corse, comme le sanglier, sont bien menés. Dressage appliqué, jus et sauces aboutis, les assiettes attestent l’univers d’un cuisinier qui aime le goût ! L’épouse du chef, qui est mauricienne, assure un service agréable et efficace !

    Le Mathy’s

    Rue Furnellu

    20217 Saint-Florent

    Tél. 04 95 37 20 73

    Voilà en substance mon itinéraire corse jalonné de bonnes tables, de bons produits, de somptueux paysages et de belles rencontres ! Je n’ai pas pu me rendre chez toutes les personnes qui m’avaient été recommandées, ce sera pour un prochain voyage, certainement à une autre saison pour profiter d’autres lumières, d’autres parfums, d’autres couleurs. Je remercie François-Régis, Nicolas, Yves, Lynda, Sébastien et Christophe pour les adresses et bons tuyaux !

    Voici pour terminer ce voyage d’autres photos d’endroits intéressants à découvrir, comme cet étonnant site archéologique de Cauria, les îles Sanguinaires du côté d’Ajaccio, le désert des Agriates…

    Les Agriates.TK
    Saint-Florent.TK
    Les menhirs de Cauria (Sartène).TK
    Le site archéologique de Cauria.TK
    Ajaccio, la ville de Napoléon Bonaparte. Pavé de la ville.TK
    La région de Castagniccia.TK
    Le Cap Corse.TK
    Cabris sur la route.TK
    Somptueux paysage sur les vignes de Patrimonio.TK
    Plage du côte de l’île Rousse.TK
    Jacques Higelin (Citadelle de Calvi).TK
    Sur les hauteurs de Calvi.TK
    Plage de Porticcio.TK
    Magnifique rooftop de l’hôtel San Carlu à Ajaccio.TK
    Les îles Sanguinaires.TK
    Littoral corse.TK
    Bière à la chataigne.TK
    De belles cuvées de Mathieu Piazza du Clos San Quilico à Patrimonio.TK
  • LA GASTRONOMIE PAYS CONTRE LE CORONAVIRUS #27 : le sommelier réunionnais Réza Nahaboo représentera la Suisse lors du concours du meilleur sommelier d’Europe à Chypre

    Le sommelier rénionnais Réza Nahaboo officie en Suisse

    Le confinement permet de faire des rencontres, virtuelles soient-elles. C’est ainsi, grâce à l’ami Jean Bernard, que j’ai pu faire tout récemment la connaissance de Réza Nahaboo, millésime 1987, chef sommelier en Suisse. Ce brillant Réunionnais, au parcours déjà bien étoffé, nous raconte son ascension professionnelle et n’oublie pas l’île qui l’a vu naître. Quand l’excellence réunionnaise s’exporte…

    Tout d’abord, comment vivez-vous ce confinement ?

    Le confinement se passe très bien. J’ai la chance d’avoir un balcon et de l’espace. Je pense à tous ceux qui vivent dans des appartements restreints, peu lumineux, à plusieurs, ce n’est pas la même chose… Aussi, ici en Suisse, le confinement est beaucoup moins strict que dans tous les autres pays voisins. Nous avons la liberté de sortir quand nous le souhaitons tant que l’on respecte les consignes de sécurité. Pour ma part, je vais en montagne m’aérer et être sûr de ne pas avoir de contacts…

    Pouvez-vous en quelques lignes nous décrire votre parcours professionnel ?

    J’ai commencé la restauration en apprentissage à l’âge de 15 ans dans la région Iséroise en France. J’ai obtenu un CAP Restaurant, puis un Brevet Professionnel Restaurant et une mention Sommellerie (5 ans d’alternance au total). Puis, à 19 ans, avec la mention en poche, je suis venu en Suisse à Montreux. J’ai travaillé pour une maison étoilée et une année plus tard, j’ai eu l’honneur de travailler pour Monsieur Rochat à Crissier, dans un établissement triplement étoilé où je fus assistant chef sommelier. Par la suite, j’ai multiplié mes expériences helvétiques comme à Genève au Four Seasons ou dans le Valais en travaillant pour des chefs étoilés. En termes de diversité, j’ai travaillé dans des établissements modestes, des maisons type brasserie, un wine bar, un shop de vins en lignes et la restauration étoilée en qualité, soit de chef sommelier soit de maître d’hôtel. En 2015, j’ai eu le privilège de faire l’ouverture du 5-étoiles Hôtel Royal Savoy de Lausanne. Ce fut une expérience incroyable où j’étais chef sommelier et assistant manager. J’ai eu l’honneur de créer une carte des vins de 420 références pour le restaurant de Monsieur et chef Marc Haeberlin… Puis en 2017, une autre ouverture et un nouveau poste : Sommelier Instructor pour le nouveau restaurant Le Bellevue situé dans la prestigieuse école Glion Institute of Higher Education où officient trois Meilleurs Ouvriers de France et Monsieur Paolo Basso, Meilleur Sommelier du Monde 2013.

    Comment est venue chez vous la passion de la sommellerie ?

    Lorsque j’ai commencé l’apprentissage, j’ai eu un feeling avec la partie boissons car j’avais la responsabilité de service des apéritifs et des vins, ça m’intéressait beaucoup. Puis, plus tard, j’ai rencontré un vrai sommelier de métier. Et je trouvais le personnage captivant, humble et étrange car il parlait de choses que je ne comprenais pas, mais les clients étaient fascinés. Puis un jour, il m’a donné un verre de crozes-hermitage à goûter, et ce fut le déclic…

    Est-ce plus compliqué pour un Réunionnais, dont la culture est davantage tournée vers le rhum, de percer dans la sommellerie internationale ?

    Je dois avouer que chercher une place d’apprentissage avec mon nom de famille ne fut pas très facile et j’ai eu une ou deux surprises liées à l’intégration. Personnellement, je ne pense pas que c’est une question de cultures ou de talents mais juste du travail. Si on a la fibre, la passion et que l’on travaille dur alors on y arrive ! Labor Omnia Probit Improbus ! (Un travail acharné vient à bout de tout).

    Toutefois et sans fausse modestie, je ne me considère pas comme avoir « percé » dans la sommellerie internationale. Je reste à ma place, je suis un étudiant du vin, un apprenti. Et tant mieux si j’arrive à transmettre des choses positives liées à ma passion.

    Quels sont vos titres en sommellerie et vos participations aux concours ?

    Je fus : Meilleur élève sommelier de France Vins du Val de Loire en 2007 ; 3e Meilleur Sommelier de Suisse en 2009 et en 2012 ; 2e Meilleur Sommelier de Suisse en 2014 et Meilleur Sommelier de Suisse en 2016. J’ai récemment réussi l’examen Advanced du Master Sommelier et la sélection nationale pour représenter la Suisse aux prochains championnats d’Europe de sommellerie à Chypre.

    A force d’apprentissage et de travail, Réza Nahaboo s’est distingué dans de nombreux concours de sommellerie.

    Vous êtes toujours attaché à La Réunion ? Vous êtes originaire de quelle ville ?

    Je suis né à Sainte Clotilde et je me sens toujours attaché à La Réunion. C’est une île incroyable avec une telle richesse et une telle diversité. Je suis très fier de mes racines, aussi, ma mère est de La Réunion, et mon père et mes frères sont de l’île Maurice.

    Revenez-vous de temps à autre sur l’île ?

    J’y suis retourné l’année dernière mais j’avoue que je n’y étais pas revenu depuis plus de dix ans… Non pas que je n’en avais pas envie !

    La cuisine réunionnaise vous manque-t-elle ?

    J’ai la chance que ma mère soit une grande cuisinière et que lorsque je la retrouve, elle me concocte des rougails, carrys, samoussas, sarcives pour les fêtes et même des bouchons. Alors à part le boucané et le ti jaque. Ça va… ce qui me manque c’est la saveur des fruits sur place lorsqu’ils sont à pleine maturité… un longani ou un letchi très mûr c’est quelque chose !

    Quels sont les plus beaux accords qu’on pourrait réaliser avec les grands standards de la cuisine traditionnelle réunionnaise ?

    Je dois être honnête mais c’est un sujet que j’aimerais travailler assez sérieusement pour aller plus en profondeur dans l’accord créole. Je n’ai pas vraiment eu l’opportunité de tester les accords avec différents styles de vins mais c’est dans ma tête.

    Le problème, à mon sens, c’est le piment. Qu’il soit en pâte, en vinaigrette, frais, piments oiseau, ou cabri… tout ce que vous voulez. À mon avis, le piment (surtout avec les doses réunionnaises !) ne laisse pas la place au vin… par la capacité à brûler et piquer en persistance.

    Mais en l’absence de piment sur les rougails/carrys, il y a des choses à faire. Les cuissons type carrys avec la tomate, ont énormément de succulence, de la persistance et les épices infusées sont souvent équilibrées, je pense que des cépages espagnols comme le mencia sur Bierzo ou Ribeira Sacra peuvent être sublimes sur des rougails thon. Avec le rougail saucisses, je garderais le même esprit mais avec des notes plus fumées et des terroirs volcaniques comme les vins de l’Etna à base de nerello mascalese avec un peu d’évolution sinon les tanins sont trop secs…

    Pour le gratin chouchou, on pourrait imaginer un vin frais, variétal et avec de bons amers comme un grüner veltliner d’Autriche. Peut-être un style plus crémeux comme un Ried (cru) ou une Réserve apportera la structure pour gagner en volume.

    Vous représenterez la Suisse aux prochains championnats d’Europe de la sommellerie. Comment avez-vous vécu cette nouvelle ? Comment vous préparez-vous pour cette compétition en ces temps confinés ? Vous fixez-vous un objectif pour ce concours ?

    Quand j’ai appris cette nouvelle, je n’en revenais pas ! Car il y avait certaines épreuves notamment sur la dégustation, qui m’ont un peu décontenancé. Ensuite, le questionnaire était très dur pour moi. Alors je ne faisais pas le malin. Comment je me prépare ? Sincèrement, je n’ai pas encore commencé. Je sais que c’est honteux au vu du challenge mais avec mon travail on a dû réadapter toute notre méthodologie avec les contenus et les cours en ligne et du coup, je dois déjà être prêt sur cette partie pour me reconcentrer au plus vite sur le concours.

    Pour la préparation, je vais étudier sur plusieurs points les pays viticoles du monde. Déguster des vins du monde régulièrement. Je suis entouré de mon collègue Fabien Mène qui est un des meilleurs sommeliers de Suisse, de Davide Dargenio, meilleur sommelier d’Italie, et de Bertrand Lutaud qui est un vrai coach pour moi et qui se prépare pour le Master Sommelier.

    Mon objectif est bien sûr secrètement la finale comme tous les candidats mais c’est certainement utopique… Je suis déjà très heureux de pouvoir faire ce grand concours et si j’atteins les demi-finales alors ça serait déjà merveilleux…

    Quels styles de vins aimez-vous ?

    J’aime tous styles de vins, j’aime le pinot noir sous toutes ses coutures, le riesling, le chenin !

    J’aime les cépages autochtones. Les vins fins où le terroir est le protagoniste.

    Votre plus grande émotion en dégustation ?

    La Tâche 1998 du Domaine de La Romanée-Conti… pluridimensionnel !

    Le vin que vous rêveriez de goûter ?

    Il y en a plein, des vins historiques, des vieux millésimes de Rayas, des rieslings de Moselle allemande d’avant-guerre pour voir l’évolution, des vieux monfortinos sur Barolo….

    Un message à passer aux Réunionnais durant ce confinement ?

    J’espère que les jeunes cuisinent avec leurs parents ! Pour que la culture ne s’efface pas mais se transmette… Et vive La Réunion ! Vive le rhum arrangé !

  • LA GASTRONOMIE PAYS CONTRE LE CORONAVIRUS # 17 : le chef étoilé Michelin Jean-Alexandre Ouaratta

    Le chef Jean-Alexandre Ouaratta en Bretagne

    Le chef étoilé et consultant culinaire, Jean-Alexandre Ouaratta, est confiné avec sa petite famille en Bretagne dans le Morbihan. Il reste néanmoins fidèle à son île natale en passant le message, en créole, d’un confinement efficace et indispensable aux Réunionnais.

    Comment vivez-vous la situation ?

    Un peu comme tout le monde, je pense qu’il faut arriver à prendre sur soi. J’essaie d’utiliser ce temps de confinement pour passer du temps en famille et profiter de la maison. Faire ce que je n’ai pas le temps de faire en temps normal. Je prends le temps de regarder de mon balcon les fleurs pousser. J’essaie prendre un peu l’air quand même tous les deux jours et me dégourdir un peu les jambes.

    Quel a été le menu d’hier soir ?

    J’ai fait une quiche lorraine.

    C’est vous qui cuisinez à la maison ?

    C’est moi qui cuisine le plus souvent ; en même temps, j’en ai besoin. Je profite aussi de ce temps pour faire différents tests (pains, brioches…) pour une autonomie culinaire.

    Quelles activités le confinement vous permet-il de faire ?

    Il m’a permis de me remettre au sport, j’ai ressorti mon vélo d’appartement. Et cuisiner, bien sûr !

    Quel sera le plat que vous aurez envie de cuisiner dès votre retour aux fourneaux ?

    Des plats qui seront de plus en plus en adéquation avec l’écologie, en circuit court, bio…À l’écoute de notre terre et mer.

    Un message à passer aux Réunionnais durant cette crise ?

    Surtout, restez chez vous, soyez forts ! C’est très compliqué d’être dans cette situation, personne n’y était préparé. En tout cas, c’est le meilleur remède qui puisse exister pour l’instant ; en restant nout caze nou sora solidaires ek tou le moun, et nou va gain sirmont virus la. Nou lé in peuple y aime amizé, fé la fêt, di à zot si cé pas zordi sora domin, mé po l’instan confine a zot bien, pren soin de zot. Mi aime zot toute, gros bisous à la famille.  

  • La gastronomie pays contre le coronavirus #5 : la cheffe étoilée Kelly Rangama du Faham à Paris

    La cheffe Kelly Rangama et son piano atone

    La cheffe réunionnaise Kelly Rangama, auréolée d’une étoile au Guide Michelin 2020, qui a ouvert avec son pâtissier de mari Jérôme Devresse, le restaurant Le Faham à Paris, est aussi à l’arrêt. Leurs huit salariés le sont également. Durant ce confinement, la Réunionnaise n’oublie pas son île dans cette crise sanitaire sans précédent.

    Comment vivez-vous la situation ?

    Comme tous les restaurateurs, frustrés mais malheureusement il faut tenir et rester confinés pour apercevoir le bout de ce tunnel.

    Quel a été le menu d’hier soir ?

    Pizza maison ! Aux asperges fraîches, c’est la pleine saison ici en métropole.

    Pizza maison aux asperges fraîches by Kelly et Jérôme

    C’est vous qui cuisinez à la maison ?

    Nous sommes deux chefs à la maison, alors avec Jérôme, nous cuisinons tous les deux.

    Quelle activité le confinement vous permet-il de faire ?

    Je ne sais pas si on peut considérer cela comme une activité mais nous n’avons que neuf mois d’ouverture, et nous avons eu très peu d’heures de sommeil, du coup : la récupération. Dormir a été l’une de mes activités principales. Nous avons repris une activité sportive, tous les deux jours nous avons une routine sportive et ça fait du bien.

    Quel sera le plat que vous aurez envie de cuisiner dès votre retour aux fourneaux ?

    Impossible de répondre à cette question. Il y en aura plein mais Jérôme attend les fraises avec impatience…

    Un message à passer aux Réunionnais durant cette crise ?

    C’est dur, c’est chiant, c’est long mais nous sommes tous dans le même bateau alors tiens bon, larg pa… Restez à la maison.