Florent Martin, premier sommelier du Four Seasons George V à La Réunion
Avec ses tenues élégantes et colorées, qui ne sont pas sans rappeler celles d’Éric Beaumard, son mentor et directeur du restaurant 3-étoiles Michelin, Le 5 au Four Seasons George V à Paris, le sommelier Florent Martin était à La Réunion pour l’inauguration de la cave à vins de l’hôtel 5*, Le Diana Dea Lodge sur les hauteurs de Sainte-Anne dans l’Est de l’île.
Si pour Florent Martin, c’était une première à La Réunion ; celui-ci connaît bien l’insularité car ce jeune trentenaire est originaire de Corse, plus précisément d’Ajaccio. À 18 ans, il quitte l’Île de Beauté pour rejoindre une autre île, plus grande, La Grande Bretagne à Londres, où il travaillera quelques années dans les caves du chef cathodique Gordon Ramsay où il deviendra bilingue en parlant vin. Puis ce sera le Louis XV chez Alain Ducasse à Monaco avant d’intégrer il y a déjà dix ans, le grand palace parisien le Four Seasons George V où Éric Beaumard, chef sommelier à l’époque, le passionnera davantage au métier en dégustant grands vins et vins en devenir tout en rencontrant de nombreux vignerons de l’Hexagone et du monde entier, comme le péché mignon de Beaumard : les portos…
Florent Martin fait partie des 3 finalistes retenus pour la finale du Meilleur Sommelier de France qui aura lieu, le 1er février. Ce sera sa quatrième participation à la finale de ce concours, autant que pour les finales du Meilleur Ouvrier de France. Un travail et une constance qui finiront un jour par payer… rien n’est vin…
Espérons que son passage express à La Réunion où il a pu renouer avec le plaisir du service dont il est privé depuis quelques mois en métropole, puisse lui porter chance.
Avant le wine diner inaugural du Diana Dea Lodge, Florent Martin a réalisé une dégustation en public de deux vins qu’il avait choisis dans la nouvelle cave de l’hôtel : un sapide et salin sauvignon sud-africain 2017 de Stellenbosch du Domaine Ken Forrester, et un épicé et séduisant gewürztraminer sec Les Fous 2017 du bon et biodynamique domaine alsacien Léon Boesch.
Florent Martin a signé les accords mets et vins de ce grand dîner créolonomique exclusivement avec les vins de la carte des vins de l’hôtel. Il a travaillé en concertation avec le chef Jofrane Dailly du Diana Dea Lodge.
À table, en « préambulles », la cuvée Triple Zéro de Jacky Blot du Domaine de La Taille aux Loups a apporté beaucoup de fraîcheur et de vivacité sur la perle d’huître Marennes et caviar Rova de Madagascar et le foie gras de Canard de Saint Joseph enrobé de sa fine gelée de vin de Cilaos. Triple Zéro est une célèbre cuvée effervescente de montlouis-sur-loire réalisée à base de chenin. Pourquoi Triple Zéro ? Zéro chaptalisation, Zéro liqueur de tirage, Zéro liqueur d’expédition : un extra-brut naturel !
Sur le chou coco à la vanille bleue, médaillon de langouste, voile d’eau de coco, c’est un très bon viognier, Taburnum 2017 des Vins de Vienne qui était proposé. Un blanc aromatique avec une belle matière, ronde, légèrement grasse, sur des arômes de pêche, d’abricot, et légèrement violette. La feuille d’huître qui a été ajoutée à la dernière minute à cette entrée, est venue déséquilibrer l’accord par le côté iodé du végétal qui s’est heurté aux notes de fruits blancs du vin. Cette IGP des Collines Rhodaniennes est élaborée avec talent par Les Vins de Vienne qui ne sont autres que trois grands vignerons de la vallée du Rhône, à savoir : Yves Cuilleron, Pierre Gaillard et François Villard.
Un sommelier doit casser les codes et proposer des surprises, c’est ce que pratique au quotidien, quand il n’est pas privé de son métier, Florent Martin. Avec cet accord de vin rouge sur le poisson, en l’occurrence un filet de lapia (gueule rouge) du Piton Armand, et des carottes du potager du Diana Dea Lodge, Florent Martin a surpris plus d’un convive à table. Mais quel vin, ce vin rouge ! Un gamay du beaujolais, du pur fruit de Morgon avec ce Lapierre 2018. Le gamay est un cépage qui, pour moi s’accorde avec de nombreuses choses à table, une sorte de passe-partout d’accords mets et vins : poissons, viandes, légumes, desserts fruits rouges et noirs, chocolat… Ce morgon est signé par la famille Lapierre qui a pris la suite de Marcel, aujourd’hui décédé, et qui poursuit le travail de ce pionnier des vins nature en France, il y a plus de quarante ans. Des vins nature complètement stabilisés…
Le plat suivant était un superbe mets autour du pigeonneau de la famille Roche des Avirons, avec une cuisse confite en croquette, et un suprême fondant, relevé d’un délicieux jus au café Bourbon Pointu de Madame Vidot qui a apporté une belle touche d’amertume à l’ensemble. Pour matcher avec la viande rouge, Florent Martin avait choisi un puissant et fin Nuits-Saint-Georges 2017 du Domaine Lécheneaut. Ce pinot noir de Bourgogne, encore jeune, affirmait déjà de la finesse et de l’élégance en bouche avec une matière structurée et solide.
L’assiette de fromages, composée d’ossau-iraty, d’appenzeller et de filletta de Corse, a permis au sommelier du George V de proposer un nouvel accord insolite (de plus en plus courant pour les initiés et surtout, plus logique) : un vin blanc avec les fromages. Un Puligny-Montrachet 2018 du Domaine Bachelet-Monnot. Grande classe pour ce chardonnay de Bourgogne, d’une très grande finesse et précision, avec des notes végétales, minérales et d’une grande longueur. Un vin qui reflète parfaitement le terroir de Puligny et réalisé par un très bon domaine.
Le dessert de la soirée était signé Jordan Gasco, chef-pâtissier du restaurant 2-étoiles, Le Chambard à Kaysersberg en Alsace, sous les ailes du chef Meilleur Ouvrier de France, Olivier Nasti. Jordan a travaillé il y a trois ans aux côtés du chef Jofrane Dailly au Saint-Michel à Saint-Gilles-les-Bains. Le pâtissier a réalisé un superbe dessert à base de chocolat bio noir et lacté Andoa de Valrhona, en différentes textures. L’accord de Florent Martin s’est porté sur un très bon maury hors d’âge à base de vieux grenache noir du Domaine Pouderoux dans le Roussillon. Un très bel accord qui a mis en avant l’équilibre sucre/acidité/sel/amer du chocolat du dessert avec les notes chocolatées, de pruneau, de fruits secs de ce maury, pas trop sucré. Le maury est un vin doux naturel, dit muté, dont la fermentation est stoppée par l’adjonction d’un alcool vinique.
Superbe déjeuner accords mets et vins à La Case Pitey
Les plus belles bouteilles étaient de sortie à La Rivière Saint-Louis au restaurant La Case Pitey, 3 vanilles au GUIDE KASPRO 2019, lors de ce déjeuner de samedi, avec en grande partie, des bouteilles originaires de Bourgogne et de très grands domaines…
Le chef Samuel Tétard avait préparé, sous sa formule « carte blanche » Omakasé, un déjeuner en 7 temps (50 euros) où les accords avec les bourgognes blancs et rouges avaient été privilégiés. Félicitations au chef pour avoir su, quasiment au pied levé et sans pourtant connaître la liste des vins dégustés, marier ses mets raffinés à ces vins d’exceptions, preuve d’une grande adaptabilité et d’une connaissance des vins.
Le déjeuner débuta pour se faire les papilles, par des bulles de bourgogne, blanc de blancs de chez Vitteaut-Alberti, avec trois mises en bouche, une rillette de poisson aux agrumes, une brouillade d’œuf et un velouté de chou-fleur crème fraîche ! Beaucoup de finesse dans ces « préambulles » solides !
Le premier des 7 temps, fut un mi-cuit de foie gras à l’abricot du Roussillon, accord parfait avec le Gewürztraminer Grand Cru Mambourg 2005 de Marc Tempé, superbe amplitude et fraîcheur avec un vin encore en pleine forme avec un équilibre sucre/acidité grandiose, des arômes mentholés, d’abricot, de reine-claude, mirabelle avec une note de safran qui commence à poindre.
Deux saint-aubin blancs premiers crus, Pitangerets 2016 de Paul Pillot et Sur Le Sentier du Clou 2009 de Pierre Gérard, furent servis en même temps avec de superbes et rares crevettes pays dites « crevettes du volcan » avec une brunoise de betteraves chioggia et un sablé au parmesan, très beau plat coloré avec un intéressant chaud/froid ! Le 2016 fut bien droit, frais, minéral tandis que le 2009 montrait déjà une certaine évolution, un manque d’équilibre.
Troisième temps, toujours deux blancs, et très grands, avec un Puligny-Montrachet villages 2015 de chez Anne-Claude Leflaive et un rare Vougeot Clos du Prieuré 2015 du Domaine de La Vougeraie qui ont escorté un carrelet avec une bisque de homard bleu breton bien relevé qui a bien matché avec le côté poivre blanc qu’on a pu retrouver dans ces deux grands chardonnays de Bourgogne. Celui de la Côte de Beaune, le puligny, avait une dimension plus fine, plus droite que celui de la Côte de Nuits, avec plus de gras, un boisé plus marqué mais bien intégré ! Deux très grands vins qui en ont encore dans les mollets !
La raviole de boudin noir à la truffe et dans son bouillon, avec un côté terreux et racinaire, fut une belle surprise gustative qui s’est accordée avec encore deux extraordinaires vins blancs, toujours de Bourgogne : un Puligny-Montrachet 1er Cru Les Pucelles 2008 de feu Anne-Claude Leflaive et un grand cru Bienvenues-Bâtard-Montrachet 2003 de Jean-Claude Bachelet. On avait là deux monstres sacrés du chardonnay, de par la réputation des domaines et par les appellations ! Une belle tenue pour le vin d’Anne-Claude marqué toutefois par des signes d’évolution et un grand cru, issu d’un millésime caniculaire, assez chaleureux, avec une belle amplitude et encore du tonus. Mais quels vins !
Petit intermède pour aviner les verres et les palais au vin rouge avec un sympathique Nuits Saint-Georges Vieilles Vignes 2012 de Philippe Gavigney.
C’est au cinquième temps, que les grandes bouteilles de pinot noir de Bourgogne s’ouvrèrent avec un joli clin d’œil du chef Tétard et un œuf en meurette revisité selon Bernard Loiseau. Superbe plat traditionnel de Bourgogne superbement exécuté et qui n’a pas dénaturé le grand cru Clos des Lambrays goûtés sur les millésimes 2007 et 2006 ! On est là sur des monuments, des domaines iconiques de Bourgogne ! Beaucoup de finesse, de soyeux dans ces vins, le 2007 a manqué d’expression et est apparu plus atone que le 2006 qui était superbe encore de fraîcheur, de densité !
Voisin direct du Clos des Lambrays, le grand cru Clos de Tart a fait aussi partie de cette fabuleuse dégustation, avec le même millésime, 2006 ! C’est le vin qui a le plus marqué le palais des convives tant il est apparu d’un remarque équilibre, avec des tanins fins, polis, un toucher de bouche soyeux et une grande longueur ! Ce fut un très bon compagnon de table du grand cru Chapelle Chambertin 2007 du réputé Domaine Ponsot, un peu fermé mais avec une belle matière, sur la viande salers d’une tendreté incroyable avec un écrasé de pomme de terre et un trait de pesto.
Petite escapade ensuite à Bordeaux avec Pavillon Rouge 2006, le second vin de Château Margaux, premier grand cru classé de Bordeaux ! Après le problème de bouchon à l’ouverture résolu, ce margaux de 19 ans, quoique marqué par quelques traces de fatigue, a tout de même dévoilé la signature des grands châteaux bordelais avec beaucoup de finesse en bouche, pas massif pour un sou, plutôt léger. Il n’a pas dénoté avec le fraisier et ses touches de fruits rouges et noirs : groseille, cassis, framboise, mûre… ce qu’on pouvait retrouver dans ce margaux.
Pour finir, le café et les mignardises chocolatées ont escorté un très beau Collioure Barlande 2014 du Domaine de La Rectorie, issu principalement du cépage grenache avec du carignan, qui a dévoilé beaucoup de fraîcheur, du velouté et des notes réglisses et de fruits rouges.
Magnifique dégustation lors de ce déjeuner à La Case Pitey où les vins furent servis et préparés par la sommelière Mélina Bègue et où la cuisine du chef Samuel Tétard a brillé par sa créativité, sa justesse, ses saveurs et sa progression tout au long de ce menu Omakasé en 7 temps.
Mention Complémentaire en Sommellerie dispensée par Cyrille Camilli
Lydia et Claude Bourguignon
Lydia et Claude Bourguignon, ce couple icônique et spécialiste des terroirs de toute la planète, étaient à La Réunion, pour dispenser leur expertise des sols de l’île. Ils conseillent les plus grands domaines viticoles, tous continents confondus ! Ensemble, nous avons dégusté les vins de La Font des Ormes, un joli domaine du Languedoc appartenant aux réunionnais Jeanne et Guy Cazalis de Fondouce et pour lequel les Bourguignon travaillent depuis plusieurs années. De très jolis vins complexes et digestes avec une belle trame aromatique sur les fruits rouges et noirs, noyau de cerise et une belle finale ! Des vins pouvant s’accorder avec finesse sur la cuisine réunionnaise ! Il est possible de s’en procurer sur l’île auprès de Guy Cazalis de Fondouce !
Au Bon Fromage
Belle dégustation hier chez Au Bon Fromage de Yann Bonfils à Étang Salé. De très jolis flacons autour d’excellentes pâtes et de charcuterie en très bonne compagnie ! Du tout bon ! Avec l’humilité et le plaisir hédoniste de la dégustation ! On en redemande !
Meilleur sommelier 2019, Dégustation
Participer au Concours du Meilleur Sommelier c’est aussi déguster des bouteilles d’exception, des masterclasses…petit florilège !