Beef lovers ?
Voilà quelques mois, des noms anglo-saxons sont venus, au rayon bœuf des boucheries de l’île, fleurir les étals. Flank steak*, flat iron*, T-bone*, chuck flap*…
Mais de quel droit se permettent-ils de bousculer nos habitudes franco-françaises de carnivores et de malmener ainsi la langue de Molière ? Adieu donc paleron, basses-côtes, bavette et autre onglet ? Que nenni, ce sont majoritairement les traductions littérales de ces derniers et des noms de découpes de viande spécifiques aux habitudes américaines… Comme le rock’n’roll est venu changer les habitudes musicales des Français dans les années 1960, une déferlante de découpe bovine outre-atlantique arrive en force dans les boucheries et steak houses de France, de Navarre et… de La Réunion.
Aux États-Unis, environ 65 % de la viande de l’animal est valorisée en découpes, et pas toujours avec les meilleurs morceaux ; le reste étant destiné aux burgers, voilà aussi la raison de la qualité des burgers aux USA… En France, c’est 95 % de l’animal qui finit sur les étals des boucheries… tout est bon aussi dans le bœuf !
“À La Bonne Viande” de Saint-Leu, boucherie spécialisée dans l’importation de viandes sélectionnées pour leur qualité, est en train de faire sa « Steak (R) évolution » sur l’île pour reprendre le titre du très intéressant livre et film de Franck Ribière et Vérane Frédiani qui ont fait le tour de la planète à la recherche du meilleur steak du monde.
Les morceaux de bœuf aux noms exotiques, c’est bien mais la sémantique n’est pas non plus gage de qualité. Si pour beaucoup, le terme Angus (une race à viande qu’on retrouve à présent un peu près partout dans le monde alors que l’originelle vient d’Écosse et se nomme précisément Aberdeen Angus) est toujours signe de qualité, il n’en est rien. L’Angus a cette capacité d’être un animal précoce, docile et sans cornes, qui transforme à merveille l’herbe en gras et qui possède d’excellentes facultés pour la maturation. Cela pourrait être La race à viande de la planète ! Je compare souvent l’angus à du vin de Bordeaux. Il existe du cabernet-sauvignon enfermé en bouteilles sans âme avec une viticulture et une vinification chargées de chimie, et puis, il y a des cabernet-sauvignon issus de nobles terroirs, avec une pratique de la vigne par exemple en biodynamie et des élevages précieux prodigués par des vignerons passionnés. Ce même cépage, le cabernet-sauvignon, donne donc des vins complètement différents en fonction de ses origines et de sa prise en charge, c’est pareil avec l’angus. Vous l’avez compris, la qualité de la viande dépend assurément de ses conditions d’élevage, de sa nourriture, des soins apportés à l’animal, de son âge, de sa maturation… tant de critères sur les origines de l’animal que vous êtes en droit de demander à votre boucher.
Voilà ce qu’À La Bonne Viande s’évertue à réaliser : travailler en direct avec des exploitations de petites tailles originaires de métropole, d’Espagne, d’Irlande, d’Écosse, d’USA, d’Australie… pour proposer des viandes extraordinaires et rares à La Réunion, avec des découpes US ! Ces races à viande peuvent se nommer aubrac, salers, galloway, blonde de Galice, wagyu… et sont issues d’éleveurs particulièrement sensibles au bien-être de l’animal.
La maturation d’une viande est également un sujet intéressant qui mériterait d’être débattu plus longuement, cela me fait penser à la teneur en cacao d’un chocolat ; on pense à tort que plus le pourcentage de cacao est élevé, meilleur sera le chocolat. Encore une fois, tout dépend des origines de cacao et de ses équilibres gustatifs. C’est pareil avec le bœuf, vingt jours est à mon goût la maturation idéale ; jamais moins de dix jours, et pas plus de quarante jours chez un boucher non spécialisé.
Mâche, tendreté, persillé… voilà quelques qualificatifs qu’on utilise à l’envi lors d’une dégustation d’une jolie viande de bœuf. Rien de plus frustrant que de louper la cuisson d’une viande de qualité qu’on aura payée cher. Avisez-vous de demander les conseils de votre boucher. Mais quelques règles de base s’imposent : très important, sortez votre viande de votre réfrigérateur au moins une heure avant sa cuisson. La cuisson, chacun peut l’aimer ou la mener différemment : à la poêle avec du beurre clarifié et une finition au beurre cru ; avec également un mélange huile/beurre, en direct sur le gril ou à la plancha avec un assaisonnement au préalable, au four à basse température, longtemps mais doucement, et puis le temps de repos…
Cela peut paraître fastidieux de bien cuire sa viande mais c’est très important si on ne veut pas passer à côté de celle-ci. Osez la cuisson bleu voire saignante avec ces viandes d’exception ; n’ayez pas honte, pendant longtemps, dans le passé, je mangeais mes viandes à point jusqu’à une révélation sur une cuisson bleu saignant d’une viande d’exception mais c’est une question de goût, de maturité de palais, et tout vient à point (ou au bleu) à qui sait attendre… Et après quelques conseils et une master class comme celle que propose À La Bonne Viande de Saint-Leu, vous saurez apprécier à sa juste valeur une belle viande de bœuf et surtout, vous respecterez le produit, ce qui est, à mon sens, primordial.
*Flank steak = la bavette
*Flat iron = le paleron
*T-bone = le filet et le contre-filet
*Chuck flap = le collier, dessus de les basses-côtes (persillé de bœuf)
LA GASTRONOMIE PAYS CONTRE LE CORONAVIRUS #40: l’auteur Dominique Virassamy-Macé du Peuple des Brèdes
Si vous étiez un brède (j’insiste sur le genre), lequel seriez-vous ? C’est le propos du récent ouvrage Le Peuple des Brèdes signé Dominique Virassamy-Macé (tiens, une ressemblance certaine avec le roi du Choka Bleu). En effet celui qui officie au Jardin Botanique de La Réunion aux Colimaçons, a habilement construit son livre en comparant les Réunionnais de façon métaphorique à des brèdes, quels qu’ils soient… Un livre végétal et culturel à déguster sans modération. Entretien exclusif avec l’auteur de l’unique opus consacré aux brèdes.
Pouvez-vous s’il vous plaît nous expliquer, en substance, la genèse, la démarche et la nature de votre ouvrage Le Peuple des Brèdes ?
L’ouvrage est né de deux constats : le premier est l’inexistence des brèdes dans la littérature, alors que ces légumes feuilles existent dans la majorité des foyers, dans la mémoire réunionnaise et des autres peuples de l’Indianocéanie (Madagascar, Comores, Maurice, Seychelles, Mayotte). Le second est le paradoxe persistant entre cette omniprésence et le fait que les brèdes ne soient jamais cités en tant que patrimoine comme le sont les autres plats cuisinés, ou encore le maloya, nos cirques etc.
Que trouve-t-on dans les pages du Peuple des Brèdes ?
Les brèdes ont marqué notre population en tant que nourriture « faute de mieux ». Une histoire et des valeurs se sont construites autour des brèdes en tant que marqueurs historique, sociaux et sociétaux du peuple réunionnais.
Le Peuple des Brèdes est une manière de répondre à un questionnement important aujourd’hui : qui sommes-nous ? Quel est notre dénominateur commun ? Qu’est-ce qui pourrait nous rassembler, nous unir aujourd’hui ? Sommes-nous un peuple ou une partie de la population française ?
Combien de variétés de brèdes peut-on manger à La Réunion ?
Ils existent une soixantaine d’espèces comestibles à La Réunion. La majorité est peu connue ou peu consommée au regard de la grande diversité existante et présente ici, sur notre île.
Quels sont les brèdes qui vous étonnent le plus ?
Ce sont les témoignages concernant les brèdes qui m’ont le plus marqué. Ces témoignages sont dans le livre. Ce sont les réponses à une question nécessaire à l’écriture du livre :
- si ou té in brède, kel brède ou té lé ? (en français : si tu étais un brède, quel brède serais-tu ?)
Quel est votre brède préféré ?
Il ne s’agit pas de préférence, mais plutôt de choix culturel et historique. Mon choix s’est porté sur le mouroume. La raison est à découvrir dans le livre ! Mais comme le dit si bien le groupe LAO, « les brèdes c’est l’essence de la vie ! »
Celui que vous aimez le moins ?
Aimer moins un brède, reviendrait à dire, selon l’esprit du livre, que j’aime moins telle ou telle personne. Donc je dirai que j’aime tous les brèdes en leur reconnaissant une existence, et donc l’existence de chaque Réunionnais, car je ne les connais pas tous vraiment, en profondeur. Chaque brède est unique, chaque Réunionnais détient une part de singularité à découvrir.
Vous mangez des brèdes tous les jours ?
Je mange des brèdes régulièrement : chouchou, pariétaire, brède la paresse, brède lastron, brède patate, ceux de mon jardin qui poussent en liberté.
Existe-t-il encore de nombreux brèdes à l’état sauvage à La Réunion ? Lesquelles ?
La notion de sauvage est à préciser. Parle-t-on d’espèces indigènes c’est-à-dire des espèces arrivées naturellement à La Réunion ou bien parle-t-on d’espèces exotiques, introduites par l’homme mais retournées à l’état sauvage ? La réponse est dans le livre !
Il existe un brède indigène consommé à Marla : le brède paille-en-queue, petite fougère indigène. Les habitants de cette partie du cirque de Mafate l’ont fait découvrir à mon ami Christophe Lavergne. Les brèdes indigènes sont assez rares. La totalité ou presque des brèdes correspondent à des plantes provenant du monde entier comme tous les Réunionnais. La dernière en date serait le brède chipilin, venu du Mexique. Il s’agit d’une crotalaire très proche du cascavel jaune.
Trouve-t-on des recettes de brèdes dans votre livre ?
Le livre n’est pas un recueil de recettes, même si j’évoque parfois quelques préparations à base de brèdes. Il s’agit d’une allégorie, celle des brèdes pour raconter ce que pourrait être la femme et l’homme réunionnais d’aujourd’hui en m’appuyant sur l’histoire de nos aïeux. Il s’agit d’un livre qui j’espère fera avancer la réflexion sur l’existence du peuple réunionnais au cœur de l’Indianocéanie.
Pouvez-vous nous donner une recette originale de brèdes ?
Il existe différentes manières de préparer les brèdes. Je propose une fricassée de brède chinois appelé également brède patate dolo.
Il s’agit d’un brède de la même famille que la patate douce, un liseron présent sur les berges des étangs littoraux de La Réunion.
Prévoir de l’ail, du gingembre et un petit piment vert à écraser dans le pilon. Puis faire rosir ces épices dans de l’huile au fond de la marmite avant d’y ajouter les feuilles. Attention à la rapidité de la cuisson. Les feuilles du brède patate dolo sont fines et fragiles et peuvent brûler.
Justement, y a-t-il une règle d’or pour la cuisson des brèdes ? Vos astuces ?
Il faut tout simplement savoir que la cuisson est rapide lorsqu’il s’agit de fricassée. Il faut faire attention à ne pas trop cuire les feuilles. Par ailleurs, il est judicieux d’apprendre à trier certains brèdes pour éviter de mâcher les fibres indigestes et autres vrilles comme celles du brède chouchou, plante lianescente.
Quel est votre plus grand souvenir de dégustation de brèdes ?
Mon plus grand souvenir récent est un romazave dégusté à bord d’un voilier, aux Îles Mitsio à Madagascar. Faute de zébu, Justin, le cuisinier, l’avait préparé avec le traditionnel brède mafane et du wahou, beau poisson fraîchement pêché autour de ces magnifiques îles.
Qui prépare le mieux les brèdes dans votre entourage ?
Je ne voudrais pas froisser certains amis (es) ou membres de ma famille ! Alors je resterai discret sur mes préférences ! Je dirais ma mère, mes frères, mes tantes, les amis…
Où trouve-t-on votre ouvrage ?
Mon ouvrage se trouve à la Librairie Autrement de Saint-Pierre et de Saint-Denis. On peut aussi se le procurer à la librairie le Matou Matheux situé au Tampon. Enfin, vous pouvez également l’acheter avec moi. Il suffit de me contacter sur facebook en tapant dominique virassamy-mace ou au téléphone : 0692 49 89 30. Il s’agit d’un ouvrage de 206 pages, édité chez Jets d’Encre Éditions. Il est au prix de 18,90 euros sur internet ou 21,74 euros en librairie.
LA GASTRONOMIE PAYS CONTRE LE CORONAVIRUS #39: Glenn Dané des restaurants Sauvage Plage à Saint-Gilles et Villa Sauvage à Saint-Pierre
Glenn Dané est l’un des associés des restaurants Sauvage Plage à Saint-Gilles et Villa Sauvage à Saint-Pierre qui emploient au total 60 salariés mis au chômage partiel depuis le 15 mars 2020. Le jeune trentenaire profite de ce temps mort pour civiliser des travaux à Sauvage Plage et prône davantage, durant ce confinement et pour l’avenir, une consommation de produits locaux.
Comment vivez-vous la situation ?
Outre le coup dur de devoir tout mettre à l’arrêt, c’est l’incertitude sur la reprise et sur le long terme qui est la plus angoissante. La peur de ne pas retrouver la convivialité de notre métier, la crainte de retrouver notre trésorerie à sec et donc d’avoir travaillé pour rien les années précédentes, l’appréhension d’une reprise trop molle qui nous obligerait à faire des licenciements économiques coûteux, et encore combien de mois de travail sans bénéfice pour justifier de tels licenciements ?
Je tiens tout de même à saluer les efforts de l’État pour le chômage partiel et leur volonté de sauvegarder notre métier qui fait la fierté de la France. Dans d’autres pays, tout le monde se serait retrouvé au chômage tout court, et sûrement pas à 70 % de son salaire.
Quel a été le menu d’hier soir ?
Velouté de patate douce, œuf poché, salade de choux rouge et tomate ancienne à la sauce Tamari.
C’est vous qui cuisinez à la maison ?
Non, ma femme, désolé…
Quelles activités le confinement vous permet-il de faire ?
Nous réaménageons le restaurant de Saint Gilles pour offrir plus de confort de travail à nos équipes.Et à la maison, c’est jardinage, bricolage, sport, et m’occuper de ma petite fille de 1 an. Je travaille autant qu’avant le confinement en fait, mais je n’ai pas le droit au chômage partiel…
Avez-vous mis des choses en place dans votre établissement ?
Non car si nous faisons de l’emporter, il y a de forte chance pour que nous ne puissions plus être éligibles aux mêmes aides si le confinement se prolonge. Le gouvernement n’est pas encore assez clair sur ce point et nous ne voulons pas prendre ce risque.
Un message à passer aux Réunionnais durant ces moments difficiles ?
Consommez local et de qualité, évitez tout produit alimentaire importé. Allez voir les poissonniers, les maraîchers bio, regardez les provenances dans les supermarchés. Et n’oubliez pas de venir nous voir dès que possible…
LA GASTRONOMIE PAYS CONTRE LE CORONAVIRUS #38: le chef patron Erick Quelquejeu du restaurant Oh Suzie Q ! à La Possession
Erick Quelquejeu est le crocodile dandy du restaurant Oh Suzie Q à La Possession, également connu pour les dégustations d’insectes mais aussi ses viandes exotiques venues de la brousse australienne et d’ailleurs. Il a fait de son confinement un puits d’imagination où il source différents plats qu’il propose à l’emporter pour limiter la casse de la fermeture des restaurants.
Comment vivez-vous la situation ?
De façon positive. Prendre le temps de confectionner un meilleur environnement par des travaux et des plats plus goûteux. Mais en ce moment, je fais de l’emporter pour pouvoir survivre le temps de crise.
Quel a été le menu d’hier soir ?
Chili con carne de cabri cuit à 90 degrés pendant 14 heures !
C’est vous qui cuisinez à la maison ?
Oh mon dieu oui ! J’adore et ne m’en lasse pas.
Quelles activités le confinement vous permet-il de faire ?
Du temps avec la famille et reprendre la cuisine en main tranquille et tout seul !
Avez-vous mis des choses en place dans votre établissement ?
Oui, depuis la deuxième semaine. Des ribs façon australienne cuits pendant 8 heures, souris d’agneau de 14 heures, tartare de thon, chili con carne, tourtes australiennes farcies et tout plein de choses… Le kiffe est de laisser son imagination prendre le dessus.
Un message à passer aux Réunionnais durant ces moments difficiles ?
Just Chill. Keep it cool. It’ll be over soon ! Et on vous attend !
LA GASTRONOMIE PAYS CONTRE LE CORONAVIRUS #37: Fred Mallet du restaurant Le Zat à Saint-Leu
Fred Mallet est le propriétaire du célèbre restaurant de plage Le Zat à Saint-Leu qui emploie 15 salariés. L’établissement est complètement à l’arrêt depuis le confinement. Le patron artiste est partagé entre résignation et patience…
Comment vivez-vous la situation ?
Comme une situation de découverte surréaliste, on apprend que l’on ne peut rien contrôler…
Quel a été le menu d’hier soir ?
Du thon mi-cuit avec des légumes à la plancha.
C’est vous qui cuisinez à la maison ?
Je cuisine davantage en ce moment.
Quelles activités le confinement vous permet-il de faire ?
Vélo, je cours, je marche, je fais faire des travaux au Zat !
Un message à passer aux Réunionnais durant ces moments difficiles ?
Restons patients…
LA GASTRONOMIE PAYS CONTRE LE CORONAVIRUS #36: la cheffe pâtissière Laure Fridmann de la pâtisserie-boulangerie Sensations à Saint-Pierre
La cheffe pâtissière Laure Fridmann, pâtissière de l’année du GUIDE KASPRO 2018 quand elle excellait au Palm Hotel & Spa, a ouvert, l’an passé, sa jolie boutique Sensations à Saint-Pierre après avoir essuyé les plâtres albâtres des gilets jaunes. Si elle a pu maintenir une partie de son activité, l’équilibre financier n’est pas au rendez-vous, qui plus est avec l’indélicatesse de certains clients non conscients de la situation que traversent des artisans fragilisés par cette crise.
À quel degré le confinement a-t-il mis un coup d’arrêt à votre activité ?
Notre activité a, au début du confinement, beaucoup ralenti et elle a repris davantage notamment grâce aux fêtes de Pâques. Il faudra voir si cette activité se maintient…
Comment le confinement impacte-t-il votre activité ?
Nous ne sommes pas les plus à plaindre car nous pouvons continuer à travailler, mais nous travaillons quand même à perte surtout dans une structure toute récente comme la mienne qui a encore de grosses charges à assumer. Mais nous perdons déjà un peu moins que si nous étions complètement fermées.
Au-delà de l’aspect financier, nous faisons partie des catégories de gens qui aiment leur métier et qui ont besoin de travailler. Comme je le dis souvent à mes clients, nous faisons ce métier par passion et pour faire plaisir aux gens. Notre récompense est de voir le sourire des gens et leur bonheur de pouvoir encore profiter de bons produits.
Mais, il y a aussi des gens qui vivent très mal cette situation, heureusement c’est une minorité, et qui se permettent de se défouler sur nous quand le produits qu’ils veulent ne sont plus disponibles. Il serait bon de rappeler, à ces personnes, l’essence même de l’artisanat : c’est un métier basé sur le savoir-faire de l’homme. Une personne peut produire une certaine quantité, au-delà de cette quantité, nous pourrions plus produire la même qualité !
Chers clients, si vous voulez de la qualité, il y a parfois quelques concessions à faire : pensez à commander ou faites-nous confiance et laissez-vous tenter par un autre produit, vous ferez peut-être une belle découverte…
Quel est votre quotidien type durant ce confinement ?
Pour nous, le travail est plus éprouvant car nous sommes en équipe réduite. Afin de sauver les meubles, la majorité de mon personnel est au chômage partiel et je me retrouve contrainte à gérer plusieurs postes comme la vente, les livraisons.
Quel est le positif de cette situation ?
Pour l’instant, je n’en vois pas ! J’espère juste que les clients n’oublieront pas l’effort que nous avons fourni pour rester ouverts : heures de travail, exposition à la maladie…
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Il paraît plus raisonnable de prendre les choses au fur et à mesure. Donc on verra bien ce que l’avenir nous réserve…
La première chose que vous aimeriez faire après le confinement ?
Retrouver mon meilleur ami autour d’une bonne bouteille…
LA GASTRONOMIE PAYS CONTRE LE CORONAVIRUS #35: Julie Huillet et Junior Correia de Andrade de Kampaï Niwa à Saint-Pierre
Julie Huillet et Junior Correia de Andrade sont les propriétaires des adresses à sushis (mais pas que) Kampaï Sushibar Niwa à Saint-Pierre. Le couple, qui emploie habituellement 11 salariés, a pu malgré tout maintenir la vente à emporter durant la fermeture des restaurants pendant ce confinement. Julie et Junior sont très touchés de la solidarité des Réunionnais en ces temps compliqués.
Comment vivez-vous la situation ?
Nous vivons avec un stress quotidien de ne pas savoir où cette situation va nous mener tout en essayant de relativiser.
Quel a été le menu d’hier soir ?
Soupe de légumes !
C’est vous qui cuisinez à la maison ?
Nous cuisinons tous les deux à tour de rôle, selon notre fatigue…
Quelles activités le confinement vous permet-il de faire ?
Il nous permet de nous occuper de nos enfants âgés de 3 ans et 5 mois. Pour Monsieur de jardiner et bricoler à la maison. Pour Madame, quand le temps et les enfants le permettent, un peu de sport.
Avez-vous mis des choses en place dans votre établissement ?
Nous avons pu continuer la vente à emporter grâce à une clientèle fidèle mais aussi de nouveaux clients, ce qui est plutôt positif.
Un message à passer aux Réunionnais durant ces moments difficiles ?
La solidarité dont font preuve les Réunionnaises et les Réunionnais est exceptionnelle. C’est grâce au soutien de chacun que nous arriverons à surmonter cette lourde épreuve. Nous souhaitons beaucoup de courage à tout le monde.
LA GASTRONOMIE PAYS CONTRE LE CORONAVIRUS #34: les artisans distillateurs Ludovic et Céline Maufras de La Part des Anges à La Saline
Ludovic et Céline Maufras de La Part des Anges sont touchés de plein fouet par la crise covid-19. L’activité de l’unique distillateur d’eaux-de-vie tropicales françaises est essentiellement liée à la fréquentation des touristes ainsi que des hôtels, cafés, restaurants mis à l’arrêt depuis le début du confinement. Le couple est très inquiet de l’avenir mais profite du moment pour transmettre l’art de la distillation à leurs enfants.
À quel degré le confinement a-t-il mis un coup d’arrêt à votre activité ?
Un arrêt total sur la vente, nous commercialisons soit en direct ou via les cavistes ou les cafés, hôtels, restaurants. Sur la production, pas de réel impact, nous continuons à distiller.
Comment le confinement impacte-t-il votre activité ?
Un impact financier et psychologique. Financier car plus aucune vente. Psychologique car nous n’avons plus de relations humaines, plus d’échanges directs autour d’un essai pour peaufiner les produits finaux. Plus de sourire, d’expressions du visage lors d’une dégustation donc une perte d’énergie pour la création.
Quel est votre quotidien type durant ce confinement ?
Journée à l’atelier pour avancer sur les mises en bouteilles, les distillations.
Quel est le positif de cette situation ?
Je (Ludovic) ne sais pas si je peux trouver du positif à cette situation. Il y a beaucoup de stress lié à cette crise car la situation financière est plus que délicate pour La Part des Anges. J’essaye de me projeter sur l’après Covid-19. Cela me donne tout de même du temps pour faire tout ce que l’on n’a pas le temps de faire habituellement, mais il est difficile de trouver l’énergie positive pour passer à l’action. Ce qu’il y a peut-être de plus positif, c’est de transmettre mes connaissances à nos enfants Axel (18 ans) et Angel (21 ans) qui apprennent les subtilités de la distillation.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Incertain ! Il faut repenser à des nouvelles formules : de visites de l’atelier, de dégustations, de commercialisations dont celles au-delà des frontières de La Réunion qui va devenir indispensable en attendant que nos chers touristes reviennent. Nous allons donc mettre notre énergie sur ces projets.
La première chose que vous aimeriez faire après le confinement ?
Un coucher de soleil à Boucan autour d’un verre et quelques proches.
LA GASTRONOMIE PAYS CONTRE LE CORONAVIRUS #33: l’artisan chocolatier Alain Beaudemoulin au Tampon
Alain Beaudemoulin est le talentueux artisan chocolatier installé depuis de nombreuses années au Tampon. L’an passé, il a choisi d’ouvrir une jolie boutique du côté du marché couvert du Tampon où il propose des délices aux saveurs de son île, dont un surprenant et réussi chocolat au massalé… Le confinement, qu’il accepte avec une certaine philosophie, lui permet de recentrer ses priorités.
À quel degré le confinement a-t-il mis un coup d’arrêt à votre activité ?
Nous n’avons jamais été dans l’obligation de fermer notre commerce, cela dit, compte tenu de la période que nous traversons et des mesures prises par notre gouvernement et les autorités sanitaires, il me semblait important de respecter le confinement. Nous avons décidé d’ouvrir durant la semaine pascale afin de répondre à la demande de nos clients, que je dois d’ailleurs remercier pour leur encouragement et leur bienveillance.
Comment le confinement impacte-t-il votre activité ?
Comme dans tous les secteurs d’activités, notre commerce n’a pas été épargné, même si nous avons malgré tout réalisé une belle semaine de Pâques. Les entreprises françaises tournant au ralenti, nous avons observé de facto une baisse des commandes au niveau des comités d’entreprises.
Quel est votre quotidien type durant ce confinement ?
Sur le plan professionnel, j’ai continué à produire du chocolat afin de préparer les fêtes de Pâques qu’il m’était impossible d’oublier. Du côté personnel, étant de nature casanière et passionné (nb : notamment d’oiseaux), mes activités quotidiennes n’ont pas été fondamentalement perturbées durant le confinement.
Quel est le positif de cette situation ?
Avoir du temps pour soi et revenir à certains fondamentaux souvent négligés.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Je souhaite rester optimiste, même si aucun d’entre nous n’a encore toutes les réponses. Pour l’instant, nous avons décidé de rouvrir nos portes à compter du 6 mai en horaires restreints, du mercredi au samedi le matin de 9h à 12h.
La première chose que vous aimeriez faire après le confinement ?
Organiser une jolie soirée avec mes amis d’enfance.
La gastronomie pays contre le coronavirus #32: le chef Emmanuel Michau du restaurant Sahaa à Saint-Paul
Emmanuel Michau est le cuisinier artisan qui a animé les fourneaux du restaurant Là-Bas,Ter La à Saint-Paul qu’il vient récemment de céder. Aujourd’hui, il est le chef exécutif du restaurant saint-paulois Sahaa ouvert l’an dernier. L’établissement récent est bien évidemment mis en péril en raison de cette crise sanitaire mais Emmanuel Michau veut garder espoir.
Comment vivez-vous la situation ?
Je vis la situation avec philosophie, une nouvelle épreuve de la vie. Nous n’avons pas connu la guerre, mais une pandémie mondiale, c’est totalement inédit, on en parlera dans les livres d’Histoire dans quelques décennies. C’est très compliqué au niveau du restaurant, autant pour nos employés que pour la survie de la structure en elle-même. Mais je suis confiant en la vie, et tout va bien se passer.
Quel a été le menu d’hier soir ?
Momos tibétain à la viande, fait maison
C’est vous qui cuisinez à la maison ?
Je cuisine tout le temps à la maison, j’aime le faire pour mon fils, lui donner une palette de saveurs, faire son palais. Ma maman étant là, en vacances forcées, elle prend le relais de temps en temps et mon fils met la main à la pâte aussi.
Quelles activités le confinement vous permet-il de faire ?
Je continue à travailler entant que consultant culinaire pour un armateur de pêche. Je fais l’instituteur pour mon fils, je lis beaucoup, quelques films et j’arrive à faire un peu de sport aussi.
Avez-vous mis des choses en place dans votre établissement ?
Pour l’instant, au Sahaa, nous n’avons rien mis en place, mais nous pensons à faire de la vente à emporter avec précommande 2 à 3 fois par semaine.
Un message à passer aux Réunionnais durant ces moments difficiles ?
Larg pa, tien bo, restons ensemble, soudés, confinés et confiants. The Show Must Go Home !